CENTENAIRE DE LA CHAPELLE D'ARGENTIÈRE :
RAOUL ALLIER ET LA LAÏCITÉ
Raoul Allier, né le 29 juin 1862 à Vauvert, près de Nîmes, professeur de philosophie de l’institut protestant de théologie de Paris, est une personnalité remarquable mais trop peu connue, bien qu’il ait consacré toute sa vie aux autres : au service des plus faibles à travers le
christianisme social aux côtés de Tommy Fallot, au service de la justice lors de l’affaire Dreyfus ; au service de ses coreligionnaires et de la fédération protestante de France à ses tout
débuts ; au service des peuples qui subissaient la colonisation à travers son intérêt pour la missiologie ; au service de l’effort de guerre en 1914 —conflit durant lequel il perdra son fils Roger— ; mais aussi, au service de la cohésion nationale à travers son engagement sincère en
faveur de la laïcité.
En digne héritier de Jean-Paul Rabaut Saint-Etienne, protestant et gardois comme lui, un des artisans de l’article 10 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui proclame que
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi » ; en digne héritier de François-Antoine de Boissy d’Anglas, également protestant et auteur de la première séparation entre les Eglises et l’Etat en 1795 ; mais aussi en digne héritier du protestant libriste Alexandre Vinet, Raoul Allier est évidemment favorable à ce que l’on appelle désormais le principe de laïcité.
Mais, déjà à l’époque, les débats sont nombreux sur la définition de cette notion et sur le rôle que doit jouer l’autorité publique face aux cultes.
Au printemps 1902, Pierre Waldeck-Rousseau, à la tête du « Bloc des gauches », remporte les élections législatives. Il doit démissionner pour raisons de santé, et Émile Combes lui
succède. On assiste alors à un durcis-sement très net de la politique de son prédécesseur concernant les cultes et les congrégations. Assumant son anticléri-calisme, les demandes d’autorisations sont désormais refusées en bloc par le gouvernement d’Émile Combes, 2500
établissements scolaires fondés avant la loi de 1901 par des congrégations autorisées sont fermés et les religieux dispersés. En 1904, Émile Combes leur interdit d’enseigner, mais aussi de prêcher et de commercer. Cette action, entraîne la rupture des relations diplomatiques avec le Vatican la même année. Dès lors, le régime concordataire devient caduc
et l’idée de séparation doit se concrétiser.
Clemenceau, défenseur infatigable de la laïcité et opposant à ce projet, déclare :
« Parce que je suis l’ennemi du roi, de l’empereur et du pape, je suis l’ennemi de l’État omnipotent, souverain, maître de l’humanité ».
De façon plus concrète, c’est également un projet qui empêche toute structuration des cultes au niveau national, et donc toute péréquation financière, mettant en grande difficulté les petites communautés reculées des minorités religieuses. On pense ici, par exemple, à certaines com-munautés protestantes des Cévennes réparties sur plusieurs départements : le Gard, la Lozère, l’Hérault et l’Ardèche.
Ainsi, ce projet, que l’on peut qualifier de
néo-gallican, inquiète tant les libres penseurs, qui dénoncent les liens maintenus entre l’État et les Églises, que les croyants qui défendent une véritable liberté de culte et refusent toute tutelle publique.
Face à l’obstination du Gouvernement de l’époque, Raoul Allier lance alors une importante campagne de presse pour que ce projet soit abandonné : entre fin 1904 et fin 1905, 46 articles de presse, presque un chaque semaine, publié en majorité dans le journal Le Siècle. Cet ensemble est repris dans deux numéros des Cahiers de la Quinzaine de Charles Péguy.
Il le fait avec le soutien de deux autres protestants, Francis de Pressenssé et de Louis Méjean (directeur des cultes et futur rédacteur du rapport du projet de loi porté par Aristide Briand).
Ce combat pour une version libérale de la laïcité, Raoul Allier l’emporte. Bien sûr il n’était pas seul, mais ses analyses person-nelles et, plus largement, l’influence du protestantisme sont certaines. Jules Ferry déclarait d’ailleurs en 1879, suite au transfert de la faculté protestante de théologie, de Strasbourg à Paris : « Le protestantisme a été, dans l’histoire mo-derne, la première forme de la liberté. »
À la fin de la délibération des députés, en 1905, Raoul Allier exprime son accord sur
l’essentiel de la future loi, écrivant : « Plus j’étudie la loi de Séparation, plus je suis frappé par l’esprit de libéralisme qui l’a dictée. Tout n’y est pas parfait, je suis le premier à le reconnaître. Des amélio-rations devront y être introduites, c’est vrai. Mais dans son ensemble elle représente un grand effort de justice et de loyauté. »
La loi est finalement adoptée le 9 décembre. Une loi qualifiée d’apaisement par Raoul Allier, mais aussi de « liberté » par Aristide Briand et Jean Jaurès eux-mêmes.
Extrait de l'allocution de Nicolas Cadène, directeur de l'observatoire de la laïcité, lors de l'inauguration de la bibliothèque de l'Institut Protestant de Théologie de Paris.
CENTENAIRE DE LA CHAPELLE D'ARGENTIÈRE : CÉLÉBRATIONS PRÉVUES
Malgré les contraintes fluctuantes, le conseil presbytéral a souhaité maintenir les trois journées de rencontres prévues pour ce jubilé. C'est à partir de la figure du professeur Raoul ALLIER qui a permis l'édification de cette chapelle que nous avons imaginé cette commémoration.
Si nous sommes encore dans l'incertitude quant aux lieux et horaires, voici le programme dans ses grandes lignes :
Vendredi 7 août en soirée : intervention d'Irène Frachon, lanceuse d'alerte sur le mediator, et arrière-petite-fille de R. ALLIER.
Samedi 8 août : balade biblique et bain de forêt avec Frédérique ARTHUIS, sylvothérapeute l'après-midi, et concerts musicaux dans la soirée.
Dimanche 9 août : culte célébré le matin par Laurent SCLUMBERGER, ancien président du conseil national de l'EPUdF à la chapelle d'Argentière, suivi d'un pique-nique dans les bois.