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PÉNITENCE OU CULPABILITÉ ?

 

Si nous sommes peu friands de jeûnes et autres mortifications, il n'en reste pas moins que le cheminement vers Pâques, comme celui vers Noël sont des temps particuliers de réflexion sur notre foi, de prières, de méditations.

 

Pour ce temps de Carême, je vous propose une réflexion d'un prêtre orthodoxe, le Père Eugraph Kovalesky (1905-1970), sur le sens du Carême, et plus précisément sur la notion de « pénitence », mot qui peut nous sembler suranné et déplaisant...

 

C'est lors d'une rencontre œcuménique à Annecy que ce texte nous a été proposé, et si au premier abord j'ai grimacé en voyant le sujet, j'ai rapidement été édifié par la pertinence contemporaine de cette compréhension de la pénitence.

 

Voici cette réflexion :

 

Le Carême est une période de pénitence.

La pénitence est le printemps de notre âme, le renouveau de notre vie.

 

La pénitence est totalement opposée au sentiment de scrupule, au complexe de culpabilité, à l'autocritique mélangée d'auto-défense qui trouble notre sommeil et paralyse notre esprit.

 

La pénitence est vivifiante et fertile.

La fausse pénitence -complexe ou scrupule- est stérile, destructive et nous enchaîne.

 

Où réside la différence ?

La pénitence se place en face de Dieu.

Les complexes en face de notre personne, c'est-à-dire notre amour propre.

 

Le pénitent prie : Seigneur aie pitié de moi !

Le complexé gémit : comment ai-je pu faire ceci ou cela ?

 

Le pénitent est centré sur Dieu.

Le scrupuleux est centré sur son moi.

 

La pénitence c'est l'amour de Dieu.

La culpabilité c'est l'amour-propre.

 

Le pénitent s'élance vers Dieu miséricordieux et plein de bonté,
il aspire au pardon et non à la justification.

 

La pénitence s'alimente de l'amour divin blessé.

La culpabilité, même si elle se souvient de Dieu, s'en souvient comme d'un Dieu qui pardonne difficilement ; inquiète, elle refuse le pardon gratuit parce qu'incapable en son inconscient de se pardonner.

 

Comment reconnaît-on que l'amour propre détrône l'amour de Dieu ?Par le désir de plaire, par une sensibilité aiguë de l'opinion des autres, par la souffrance intérieure devant la critique, par l'exigence d'une justice vis-à-vis de sa personne, par la sensation d'être incompris ou mal jugé, par l'exagération de ses propres fautes, par la mémoire de ses vertus et de ses services rendus, par la crainte d'exposer ses vrais sentiments, par le complexe d'infériorité qui peut se transformer en agressivité, par le désir de possession, de jouissance et d'honneur.

 

L'amour de Dieu naît lorsque l'homme est indifférent à l'amour ou à la haine, à l'admiration ou à la critique portée à sa personne.

L'opinion des autres sur lui ne détermine pas sa sensibilité : « J'ai péché contre Toi seul ! »

Il accepte joyeusement les injustices envers lui, mais s'indigne des injustices envers les autres.

Il est sobre et mesuré quant à ses fautes et ses qualités.

L'agressivité et la timidité sont étrangères à son âme.

La possession, la jouissance et les honneurs ne le touchent pas outre mesure, ni ne l'obsèdent.

 

Afin de passer de l'amour-propre à l'amour de Dieu, du complexe de culpabilité à la pénitence, scrutons notre âme et demandons au Sauveur le pardon de tout ce qui nourrit l’idolâtrie de notre moi.

 

Posons-nous par exemple cette question :

Quand je souffre d'incompréhension, d'affronts, de calomnies, suis-je réellement chrétien ?

Car cette « souffrance » est un sacrifice à mon idole, et non oblation à Dieu.

Cet état d'âme est un péché.

Sans tarder, implorons le pardon divin et reconnaissons notre faiblesse devant nos frères.

 

La pénitence peut être personnelle ou collective.

L'amour-propre peut aussi bien s'installer dans un groupe que dans une âme.

 

D'une part, un seul membre peut, avec une sensibilité maladive, complexer la collectivité (on me traite mal!... Il n'y a pas de rapport entre la beauté de la doctrine et les agissements de la communauté !... Où est la charité chrétienne ?...).

Il devient irrécupérable si lui-même ne combat pas son propre moi !

 

D'autre part, la collectivité peut se croire lésée par le monde extérieur, rechercher un succès facile, l'appréciation, au lieu de poursuivre l'amour et le pardon de Dieu.

 

Et le Père Eugraph Kovalesky conclut de la façon suivante :

Je vous prie, mes enfants, que chacun offre sa pénitence et que tous ensemble nous fassions de même, vérifiant autant dans nos communautés, nos paroisses et nos églises si nous sommes devant Dieu, ou devant le « moi haïssable » personnel ou collectif.

Romain Gavache

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